une baston franchement, t’en as pas grand-chose à foutre. la clope au bec, tu scrutes ton petit oiseau d’un regard morne et blasé. tout juste sorti du bar, t’as plutôt envie de t’affaler sur ton matelas que jouer les héros. c’est même limite dangereux pour toi, de te pointer l’œil luisant, les réflexes amoindris, au milieu de caïds du quartier qui s’en mettent plein la gueule pour le plaisir, pour expier leur péchés, pour extérioriser la rage, la frustration. pour exister, tout simplement. les combats de rue, tu t’en mêles que si y’a vraiment un type qui t’intéresses au milieu, un p’tit con que tu veux tenir par les couilles. si seulement y’avait pas ce satané code de déontologie qui t’oblige à intervenir même en civil, même en pleine murge, dans ton putain d’sommeil. c’est qu’il s’affole le petit oiseau, il te gueule dans les oreilles qu’un mec est mort. alors si tu fais rien ça craint, si tu fais rien c’est un potentiel cadavre sur la conscience. « ça va putain ferme là, montre. » tu le suis sans rechigner dans un coin reculé, ça aurait aussi bien pu être un traquenard que t’y aurais plongé sans te méfier. les idées pas bien claires, le cerveau embrumé. tu débarques dans un coin de pénombre du parc, où personne ne traîne plus à cette heure tardive. ou matinale, selon les interprétations. ça parle mal, ça s'excite, ça chuchote quand t'arrive. y'en a qui s'barrent en courant parce que ton visage est bien imprimé dans la caboche de ces imbéciles, et synonymes d'emmerdes. mais clairement, t'arrives après la bataille, t'arrives quand tout est déjà fini. d'autres restent, pas beaucoup, sûrement par provocation. ou parce qu'ils ont un lien particulier avec la silhouette immobile sur le pavé. t'attrapes le bâton d'mort entre ton pouce et ton index, souffles. « vous foutez quoi les branleurs ? il a quoi lui ? » tu les dévisages, tu t'arrêtes sur un morveux que tu connais bien à la gueule cassée. un type que t'arrives jamais à coincer. mais tu ne fixes pas, l'indifférence feinte, comme si t'en avais rien à foutre de lui. tu t'approches du corps et tu t'accroupis, jetant ta clope d'un coup d'index. putain il est vraiment dans un sale état, mais tu sens le pouls frémir à travers la peau, fébrile. « c'est toi qui lui as fait ça baltringue ? » tu scrutes le gars de la tête aux pieds, puis tu trouves ça con comme question, vu le gabarit du gros qui gît au sol. impossible qu'il ait démonté un type pareil, mais il a vraiment une gueule à faire peur et t'es convaincu qu'il vient de s'prendre une branlée. ou d'en mettre une, tu sais pas bien. t'attends presque qu'il se tire en courant, histoire de te faciliter la tâche, de se trahir.