t'ouvres la porte à la volée, la gueule contrariée, tes billes bleues s'égarant sur le dealer que t'as volontairement fait poireauter un long moment, juste pour l'faire chier. juste parce que tu peux. tu scrutes ses poignets prisonniers par le fer, l'encre incrustée dans sa chair. « bouge ton cul. » t'ordonnes. t'attends pas vraiment de geste de coopération quand tu serres brutalement son bras pour l'entraîner dans la pièce. tu claques la porte derrière lui, attrapes son maigre dossier que t'as gonflé avec une affaire classée. « détention, offre, cession de stups. refus d’obtempérer. menaces. » t'égrènes la liste des chefs d'inculpation que le juge pourrait retenir contre lui, le palmarès du caïd tatoué qui sera jamais exposé au grand jour. parce que l’arrestation a été bâclée et tu l’sais. cette brochette de trouducs ont encore foiré, pas respecté les règles impératives. les libertés faut les prendre quand personne regarde, quand personne peut scruter à la loupe. ils ont toujours pas pigé qu'on n'peut pas se torcher avec la la base, les fondations. parce que ces putains d’requin d’avocats vont se faire une joie de mettre en pièces votre procédure bancale, et que ce p’tit con retournera vite distribuer son venin dans les rues. que sa carcasse de merdeux traînera des pieds encore longtemps pour revendre la mort sur tes trottoirs, parce que les branleurs comme lui sont bons qu'à ça. mais amor il le sait peut-être pas, même s'il a passé sa vie à danser avec les flics, il connaît pas le code par coeur. il peut pas savoir que tu bluffes, il peut que le supposer. « t'as encore fait fort, amour. » t'insistes sur l'dernier mot, tu railles. amor, c'est inscrit sur tous vos fichiers, surnom de scène ridicule qui lui colle vraiment mal à la peau. si lui est amor toi t'es dolcezza, pazienza, pace. quelle connerie. « t'en as pas marre de faire la pute sur tes trottoirs ? ils vont finir par te lâcher tu l'sais. t'es con mais pas à c'point. » la moindre connerie, le moindre retard, la moindre perte. amor, il pourrait bien passer d'auteur à victime d'ici peu, avant même que t'aies pu boucler les raclures pour lesquelles il bosse, les vrais gros poissons que tu rêves d'écailler. tu sais très bien comment ça marche dans c'milieu. aucune solidarité, c'est chacun pour sa trogne et les déchets comme lui ça disparaît dès qu'une contrariété apparaît. « donne-moi quelque chose. » des noms, des planques, des dates de livraison. n'importe quoi. que t'aies pas encore été tiré du pieu pour rien, par pitié.

t'hésites. t'hésites à l'buter maintenant, ou te garder ce plaisir pour plus tard. ce sale gosse ingérable a le don de t’exaspérer. profondément. très profondément. il arrive même à te déstabiliser l’espace d’un soupir, d’un battement d’cœur qui saute. t’ignores s’il dit ça parce que l’autre pouffe de karla a pas su garder ses lippes scellées, qu’entre les rats qui pullulent la rumeur s’est répandue, que t’es en train de perdre toute crédibilité aux yeux d’la racaille. mais après tout, tu serais pas le premier à te faire traiter de pédé par ces branleurs, et certainement pas le dernier. ça n’veut rien dire, rien. faut pas te faire des idées, faut pas t’emballer. il sait rien cet enfoiré, rien de concret. il essaie de faire comme toi, aller pêcher les infos, et s’il aperçoit l’inconfort dans ta rétine, s’il distingue la faiblesse, il va te bouffer sans une once d’hésitation, s’engouffrer dans l’ouverture. alors tu ricanes, tu fais rouler tes billes dans tes orbites. voilà qu’il s’attaque à ta sœur, pas très original. tu lui tournes autour comme un charognard, te postes à ses côtés, tout près. tes lippes se penchent vers son oreille, ta main libre plaquée sur sa nuque pour l’empêcher de bouger. « fais gaffe amour, tu commences à m’exciter. » tu souffles. genre tu vas lui baisser le froc, là, tout d’suite. tu rechignerais peut-être pas, dans d’autres circonstances. s’il avait pas une aussi grande gueule, si c’était pas une saleté de vaurien. ton étreinte se resserre et tes doigts remontent le long de sa colonne pour saisir son crâne. BIM. d’un coup sec, tu lui pètes le front contre la table, puis tu t’éloignes tranquillement. t’avais juste envie d’effacer ce sourire insultant de ses lèvres, et putain qu’est-ce que ça fait du bien. facile de faire passer ce coup pour un retour de ton collègue, un geste d’auto-défense qu’il aurait pu avoir s’il n’avait pas été recroquevillé en position fœtale, abandonnant toute fierté. « j’te laisse une seconde chance de pas m’faire perdre mon temps. évite d’appuyer sur la corde j’suis vraiment pas d’humeur aujourd’hui. » juste au cas où il n’aurait pas remarqué.