· trust me if i say i'm not the one to blame. @robbie howard
le soleil commence à tirer sa révérence quand tj, poings bondés, assène un énième coup à sa seconde victime du jour. la violence est palpable, la douleur voulue. le blessé, lui, ne souffle pas mot. respiration inexistante. une certaine pitié s'installe. vite remplacée par la frustration du moment. pouce rentré, il frappe d'une fureur qui lui est propre. de cette fureur inavouée des mauvais jours. fureur, douleur tristement gravées en sa chair. il use de violence comme on use de chaussure. aussi aisément que quotidiennement. il y peut rien le bougre. il est détruit le petit. détruit bien avant d'être heureux. privé à jamais de ce qui aurait pu faire de lui un homme aimé, un être aimant. en seule arme contre son désespoir il a ses poings. bien désuets parfois mais souvent salvateurs. tj, il s'en prive pas. perdu dans cette salle de sport surplombant le dernier étage du commissariat. sa victime pendouille honteusement. de nouveau, il espère une accalmie mais le besoin est trop fort. trop vivace. trop présent pour lui refuser satisfaction. pourtant, il sait qu'il a merdé aujourd'hui. il sait que sa violence a fait une victime de trop. une bien vivante cette fois-ci. une qui parle. mange. chante. baise. les dents ont cédé au premier contact. fragilité humaine oblige. si seulement ça l'avait arrêté. non, il a poursuivi. jusqu'à ce qu'une cinquième dent se déchausse, jusqu'à ce que son visage soit couvert de sang. au craquement de nez il s'est tu tj. les poings ont cessé d'émettre. ravisé, il a pris conscience de ce qui l'entourait. de cet homme couché à ses pieds, ensanglanté. de ce coéquipier qui l'implore de s'arrêter. ça ne devait être qu'une mission de routine. qu'un connard qui bat sa femme. il avait pas prévu, tj, que l'homme allait reprendre sa folie meurtrière. c'est ce cri. le cri d'une femme épuisée, détruite, anéantie qui l'a fait craquer. il a vu rouge. il a vu blanc. noir. gris. il a tout vu tj. ses paumettes marquées par les bleus, ses yeux rougis par le désespoir. et cet enfant silencieux, observateur d'entre deux portes. mais il a foiré. foiré comme il le fait souvent. avec elle. puis avec lui. il y peur rien, il est détruit rappellez-vous. derrière lui claque la porte de la salle. le couperet est là. il arrive. furibond, incendiaire, hors de lui. pas besoin de se retourner pour constater l'indéniable. c'est un peu du frère et beaucoup du supérieur qui va s'exprimer maintenant. il le sait tj qu'il a foiré. pas besoin de lui dire. il assumera, là aussi comme il l'a toujours fait. comme il a appris à le faire toutes ces années. vis de tes conneries fiston mais sois un homme, avait un jour dit son père. sage homme. mort trop tôt. mort tout seul. enfin en un sens. évite-moi la leçon rob. qu'il balance à la silhouette meurtrière. à ce regard noir qui lui transperce le dos. doux rob. saint rob.

Il aurait du deviner, Robbie. Le regard, à la fois gêné et agacé, de son collègue aurait du le mettre sur la piste. Son frère avait encore merdé. L’inconvénient de mélanger deux mondes qui devraient rester à part. Au poste, il était le supérieur de TJ, mais à chaque fois, il ne pouvait s’empêcher de laisser parler l’aîné. Les Howard sont réputés au poste, pour les engueulades, mais aussi pour leur alchimie sur le terrain. Aussi efficaces qu’ingérables, aussi synchronisés que décalés. Leurs caractères fusionnant pouvaient fonctionner à merveille comme être un parfait bordel. Leurs ressemblances les éloignés au lieu de les rapprocher ; quelque chose que leur mère n’avait jamais réussi à saisir. Sans souffler un mot, il hochait la tête, Robbie. L’agacement s’emparait de ses poings alors qu’il devrait habituer depuis le temps. Il savait où le trouver. Et les bruits de coups au loin ne faisaient que confirmer ses pensées. Il se postait à l’entrée de la salle, les bras croisés sur son torse, l’air renfermé. Son regard était fixé sur le dos de son frère qui continuait de s’acharner sur la cible immobile. Un rire nerveux traversait les lèvres du lieutenant lorsque la voix de TJ résonnait. Il se pinçait le haut du nez, quelques secondes, comme pour mûrir sa pensée, peser ses moments, calmer son envie de l’insulter. « Non, excuse-moi. Excellent boulot, TJ, rien à dire. » Des applaudissements venaient accompagnés ces derniers moment alors qu’il faisait quelques pas en sa direction. « Ce n’est pas toi qui va te faire botter le cul par le supérieur, et pourtant c’est bien toi qui a merdé aujourd’hui. » Il ne le lâchait pas du regard attendant une quelconque réaction. Il avait l’impression d’entendre leur père et il détestait ça. Les responsabilités, les Howard avaient toujours appris à les assumer. Il secouait sa tête de gauche à droite, tentant d’organiser ses pensées. Robbie ne savait pas comment les choses allaient se passer, mais son frère risquait au moins une suspension. Sa plaque et son arme seraient demandées au plus tard dans la soirée, et avec un peu de chance l’homme serait bien trop dans les vapes pour porter plainte tout de suite. Il s’emparait d’un des gants de boxe qui trainait par terre et le lançait sur son frère. « Qu’est ce qu’il t’a pris, bordel ? » Au fond, il n’était pas déçu, Robbie, parce qu’il aurait sûrement fait la même chose à la place de son frère. Mais il ne s’agissait pas de lui. Au fond, il ne lui en voulait même pas de le mettre dans la même galère que lui, de le garder à ses côtés à bord du bateau qui coule. Il lui en voulait parce qu’il pouvait être ce flic talentueux un matin et un abruti fini un autre. Il pouvait être mieux que lui.

· trust me if i say i'm not the one to blame. @robbie howard
le chassé est vif. les mouvements fluides. des automatismes de guerre jamais perdus. une technique de combat apprise du terrain. là où les corps alliés et ennemis s'entremêlent dans un dessin funeste. frappés par la faucheuse dans la fleur de l'âge. exterminés pour un motif, bien trop souvent, discutable. et cette surestimation du danger au moindre cliquetis métallique. au moindre cri de terreur. à l'appel d'une goutte de sang négligemment déposée. les automatismes sont là et la violence toujours prête à riposter. sans le savoir, tj a libéré le soldat traumatisé. il l'a laissé prendre le gouvernail et a fermé les yeux. le temps d'un instant. secondes suffisantes menant au drame. un homme en sang, une femme en pleurs, un enfant apathique. et son frère en guise de moralisateur. il serre les dents, tj. fort. assez pour les entendre grincer sous la pression. derrière lui, il sent robbie entreprendre les derniers mètres les séparant. tension palpable. situation commune à tant d'autres quotidiens. car, caractèriellement ressemblables, les frères n'entretiennent pas les meilleurs rapports. bien qu'aussi impulsifs, butés et imprévisibles soient-ils, leur duo est aussi redouté que redoutable. on les craint les howard, on les évite comme le loup un soir de régime. on se les dit proches qu'on en est surpris quand les hostilités démarrent. un rien est pourtant le déclencheur d'une catastrophe. robbie et tj. tj et robbie. le premier et dernier fils. à s'aimer autant qu'à s'en foutre plein la gueule. mais aujourd'hui, c'est différent. le sujet du contentieux n'est pas enfantin. alors quand tj se perd dans l'ignorance de l'aîné il reçoit en avertissement un gant dans le dos. robbie lui laisse une dernière chance de s'expliquer. aussi calmement que possible. si cela est possiblece fils de pute battait sa femme, probablement son gosse. argumentaire simple et logique appuyé entre deux mouvements défensifs. j'aurais mieux fait d'lui arracher les couilles. dernier coup. assez puissant pour faire reculer le sac de frappe. en sueur, et quelque peu essoufflé par les derniers efforts, tj recule pour faire face à son frère. bingo. l'air revanchard, les sourcils froncés, la panoplie est bien en place. et si y'a qu'ça pour t'inquiéter, j'irai parler au chef. dit-il en toisant son frère du regard, l'air et le parlé hautains. t'en fais pas, tu pourras continuer à lui lécher l'derrière. les lèvres étirées dans un sourire satisfait, tj accorde un dernier regard à son frère avant de prendre la direction des vestiaires de l'étage, jetant sur le chemin ses gants de combat à même le sol.